Pauline Maroussia P - Photographies

View Original

Marathon de Rotterdam

Rotterdam ou Vienne ?

Une petite aparté entre les séances photo familles & les reportages mariages. J’écris ces lignes à J+3 de mon quatrième marathon. Pour me souvenir de toutes ces émotions, de la puissance de mon corps, & de mon mental qui m’ont permis de passer cette ligne d’arrivée, une nouvelle fois.
Alors que l’année 2023 touche à sa fin & à été plus que douloureuse (j’ai du faire face à 5 décès autour de moi, un covid pour Noel & plusieurs événements personnels qui mettent mon moral à rude épreuve). Au cours de cette année 2023, aucun objectif sportif déterminé, je tourne en rond. J’ai besoin d’une carotte pour me motiver. 2024 sera l’année d’un nouveau marathon, c’est décidé. Et quitte à courir 42 bornes, pourquoi pas le faire à l’étranger ? Il me faut des villes accessibles en train uniquement (pour mes valeurs écosensibles), une course qui a lieu au printemps (pour pouvoir m’entrainer sur la “basse saison des mariages”, de janvier à avril). J’hésite un moment entre Vienne & Rotterdam. Je tranche pour la Hollande, les néerlandais sont connu pour être un super public ! Avec mon amoureux, on décide même de poser quelques jours de vacances pour visiter Amsterdam quelques jours avant le marathon.

La préparation est longue : c’est dur de s’entrainer seule, parfois sous la pluie battante. Quelques semaines avant la course, on me diagnostique un kyste de 7cm sur un ovaire & une endométriose. Coup dur pour le moral. Ma sage-femme & mon chirurgien me donnent le feu-vert pour continuer à m’entrainer. Pour me tester, je prends le départ du semi-marathon de Tulle, au mois de Mars, que je boucle en 1h58 : tout se passe bien et de bonne augure pour la suite.
J’avoue qu’un marathon à l’étranger nécessite un peu d’organisation. J’étais stressé par le voyage (& si nos 2 trains sont annulés ?), j’avais peur de tomber malade (en mangeant quelque chose qui passerait mal). On essaye de profiter des quelques jours à Amsterdam pour faire les touristes, tout en gardant les jambes fraiches pour le dimanche.

Nous arrivons à Rotterdam, la veille de la course : on marche beaucoup pour trouver le retrait des dossards, on ne comprends pas tout, une partie de la ville est déjà bouclée, on fait des tours et des détours : le précieux sésame est enfin là ! Je donne mon numéro de dossard à mes proches pour qu’ils l’enregistre dans l’application dédiée au marathon : ils pourront me suivre en temps réel sur la carte interactive.

Le Jour J :
J’ai plutôt bien dormi, les pâtes à 7h30 ne passent pas, et pourtant il faut les manger pour avoir mon apport de glucides bien haut. Je me dirige vers l’aventure hollandaise avec Adrien à mes côtés. Le départ est prévu pour moi entre 10h20 et 10h30. J’ai envie de faire pipi, il va falloir trouver des toilettes, mais pour le moment, le temps est à l’échauffement.
9h53. Adrien n’est plus avec moi, il est parti rejoindre le kilomètre 2 pour m’encourager. Je ne trouve pas mon sas de départ et toujours pas trouvé de toilettes.
9h57. Je trouve enfin le sas 4. Je suis seule parmi une foule. Qui parle principalement hollandais. 9h58, la musique s’arrete, nous faisons 1min de silence pour Kelvin Kiptum (un célèbre coureur de fond kenyan décédé dans un accident de voiture en février, qui devait prendre le départ du marathon de Rotterdam.)
On commence à s’avancer vers le départ, oh god des toilettes. 10h23, pipi check.
10h27, c’est parti ! Ma première pensée est pour Eulalie; je réalise ce nouveau marathon en pensant à mon amie décédée en juillet d’un cancer du sein très agressif.

La frange encore bien en place :p

10h35, un premier appel de ma copine Blandine qui me souhaite bon courage; il y a beaucoup de monde, je m’agace parce que je dois vraiment slalomer entre les coureurs, je ne suis pas du tout à mon rythme, je suis même en sous-régime. Je pense à Antho, mon coach qui m’avait dit de pas partir trop vite, au moins, là on y est. Les rues ne sont pas larges dans le centre-ville, impossible donc de doubler, sans me faire marcher sur les pieds ou me prendre un coup de coude. On passe sur le fameux pont que les néerlandais appellent “le Cygne”. Je regarde partout autour de moi, en essayant de m’imprègner de l’ambiance au maximum.
Je dois voir Adrien au 2eme kil, mais la ville est noire de monde, pas d’amoureux à l’horizon. Je vérifie mes allures et ma fréquence cardiaque régulièrement sur ma montre.

5eme kil : le sourire.

10h57 - 5 kil : On court sur une 4 voies, c’est vraiment moche, mais ça a le don de me faire rire. Je fait attention à bien boire à chaque kilomètre qui passent.

11h26 - 10 kil : On est dans un grand parc, enfin de la verdure ! C’est bien plus plaisant pour mon mental. On court sur une piste cyclable, ce n’est pas bien large, mais je double beaucoup de monde. Le rythme est bon. Même si nous sommes à l’extérieur de la ville, il y a toujours pleins de gens : des petites mamies & papis qui ont carrément amener leurs fauteuils pour s’installer regarder le marathon !

11h56 - 15 kil : Toujours aussi régulière dans le rythme, je regarde les tenues des coureurs pour faire passer le temps. 11h58, Marie-Line ma copine photographe de Bretagne m’appelle.

12h33 - 21 kil : Je passe le semi-marathon en 2h05. Tout roule. J’ai l’impression que l’on revient dans la ville. Mon frère choisi ce moment là pour m’appeler. C’est chouette de l’avoir au téléphone. Il entends la sirène des pompiers et me demande s’ils viennent pour moi. Ça monte un peu, mais je dois retrouver Adrien au 22eme. Le voilà ! Oh une tête connue, qu’est ce ça fait du bien ! Il me donne mes ravito : changement de gourde & compote supplémentaire. Il me fait rire, et me dit qu’on se voit au 35eme !

12h58 - 25 kil : Guillaume m’appelle, on reste 7min en ligne, le temps qu’il me raconte son week end, et que je fasse un bon gros kilomètre. Et puis le 28eme kil, l’impression d’avoir les jambes lourdes & pourtant je viens à peine de passer la moitié du challenge. Je sens qu’a partir de ce moment, tout bascule. On rentre dans la ville, on repasse ce fameux pont, je marche dans la montée qui me fait penser à notre pont Chaban de mon Bordeaux adoré, je pleure, j’avale ma compote difficilement. Les spectateurs hollandais crient mon nom inscrit sur mon dossard et m’encouragent, ça me donne de l’énergie pour relancer la machine.
13h13, Marie-Line me rappelle : “Je sais que tu vas rentrer dans une période compliquée mais accroche toi”. Je lui dit que je viens justement de vivre quelques kilomètres compliqués, mais que je cours toujours !

Après le coup de mou du 28eme, je retrouve un peu d’énergie et de sourire !

Dans mon journal d’appels, je vois que Claire m’a appelé en suivant. On est resté 7 min en ligne, mais je n’ai aucune idée de ce qu’elle m’a dit. Les black-out commencent. Je ne suis plus dans la course.
13h18, Clara m’appelle & sa voix me fait du bien. Je me raccroche à elle. On passe sous des ponts, ça monte, je marche. 12min avec elle au téléphone, et le début de l’enfer.

13h35 - 30 kil : J’ai des envies de vomir. Il y a beaucoup de monde, nous sommes en plein centre ville. Ça hurle de partout. J’ai beau avoir mes écouteurs, mon hypersensibilité auditive explose. On sort de Rotterdam, pour se diriger vers une forêt. J’essaye de me remettre dans ma course tant bien que mal. J’attends le 34eme kilomètre avec impatience : des écrans géants sont disposé sur le parcours & les proches des marathoniens peuvent envoyer des vidéos d’encouragements qui sont diffusé à ce moment là. J’alterne marche et course. J’ai mal partout. Pourtant, j’ai l’impression d’avoir encore plus mal aux cuisses en marchant plutôt qu’en courant, alors je repars, ma compote dans la main. Un coureur a coté de moi me dit “Don’t give up" !!”. L’abandon n’est meme pas une option. J’irais au bout, peut importe l’état dans lequel je me trouverais.
Voila les écrans géants !! Mon dossard bipe.. et surprise je vois Marie-Line en 4x3m, je me souviens hurler ! Elle dit que je suis une meuf badass, et que je vais aller au bout !! Ça me boost !
13h55 : J’envoi un message a Adrien “je suis dans le mal”. Rien ne se passe comme je l’aurais voulu.
14h14, j’appelle mon amie Ulrike; elle est elle-même en train de courir avec son amoureux.”Pauline, c’est grâce à toi! Tu est tellement inspirante!!”

14h17 - 35 kil : Stéphane & Candice m’appellent mais je suis complètement dans les vapes. Mon allure chute. Je ne sais pas combien de temps je marche. Cette foret me semble interminable. Adrien doit m’attendre quelques part par là. Il me dit “je suis sur la gauche derrière un drapeau bleu.” Je m’accroche à ce détail, et pourtant il n’est pas là, aucun drapeau bleu.

14h48 : Je n’arrive plus à parler. Je refuse les appels de mes ami.e.s
J’envoi un message a Steph & Candice : “J’abandonne pas !!!”. On revient dans la ville, il y a des DJ avec des basses à m’en faire péter les tympans. Je les déteste sur le moment, ça me donne envie de vomir. Adrien est enfin là, au 38eme ! Le voir me redonne un coup de boost, il court 100m a coté de moi avec son sac à dos, et continue de me faire rire entre deux larmes. Aucun aliment solide ne passe, mais je continue de m’hydrater.
14h58 - 40 kil : Ahh, on m’avait dit que les hollandais étaient festifs, mais on avait oublié de me préciser que les spectateurs sont complètement bourrés sur le parcours ! Ça sent la bière partout, ils hurlent.
14h59 : Mathilde m’appelle et restera à me parler dans mes écouteurs jusqu’a la fin. 15min, où je reprends mes esprits, et me raccroche au moment présent. Mon portable dans une main, ma compote toujours dans l’autre. Elle me raconte son week end et m’annonce des bonnes nouvelles, ça me donne littéralement des ailes. J’oublie la douleur physique et psychique. Je vois la ligne d’arrivée, un dernier virage et ces fameux 200m. Je lève les bras au ciel, je n’ai meme plus la force de pleurer. I dit it. Pour Eulalie, pour moi.