Défi de folie, ou défi de génie ?

pauline maroussia p Marathon de Paris
Pauline Maroussia P Marathon de Paris

Je ne sais pas trop commencer cet article. Il n'a pas trop la place sur mon site de photographe, entre les mariages, et les séances famille. Mais ma passion de la course a pied, fait partie intégrante de ma vie, et j'avais besoin de coucher ces mots sur "papier"...
Nous sommes jeudi. Voilà quatre jours que j'ai couru mon premier marathon. Je pleure en repensant à ce moment. On m'avait dit que ça serait dur, mais on m'avait pas dit que ça serait si dur. On m'avait dit que ça serait fort, mais on m'avais pas dit que ça serait si fort... 
La course a pieds a toujours été plus ou moins présente dans ma vie. Merci papa & maman de m'avoir transmis cette passion ! Ma mère aime bien raconté cette anecdote.. il parait que la première fois que j'ai marché, a l'âge d'un an, c'était au Marathon de Paris, lorsque nous attendions mon père sur la ligne d'arrivée.. J'ai baigné entre les marathons, les trails et les randonnées en montagne. (Coucou Papa qui a fait 35 marathons dans sa vie & 8 fois les 100Km de Belves, truc de dingue!)
Au lycée, je suis loin d'être populaire, personne ne me remarque. Je commence à m'entrainer pour ce mini cross du lycée (4km!) qui a lieu chaque année. Je termine sur le podium trois années de suite, et je monte sur l'estrade devant 700 élèves. Grisant.
Je commence mes études supérieures à Paris, pas de sport. Pas le temps, la flemme. Et puis Janvier 2014. Janvier 2014, un garçon décide de terminer trois ans de relation, sur un quai de gare. J'ai besoin de courir. Courir après quoi ..? Et je cours, je cours, je cours, j'enchaine les entrainements, j'arrive a courir 5km, 10km, puis 21km.
Mon premier semi-marathon est celui de Paris, en mars 2015. Accompagné par mon père sur tout le long. On arrive main dans la main. Je réalise le chemin parcouru depuis 1 an. C'est beau & c'est fort. 

4 ans après avoir chaussé ma première paire de basket, j'avais envie de passer à un autre défi de taille. Le Marathon. 42, 195km. Plus de 4h de run. Je sais que 2018 serait l'année idéale. Octobre 2017, je m'inscrit. 120euros le dossard. Tant pis. Certains s'achètent un manteau The Koople. Moi, je vais courir un marathon en avril 2018.

La préparation est longue. On est en hiver, il fait froid, il y a beaucoup de pluie. Pourtant je lâche rien. Ma copine Abigail, qui prépare son premier semi marathon m'accompagne et ensemble on brave le mauvais temps et on enchainent les kilomètres. C'est dur. 
Et puis on arrive au 8 avril 2018. Le Marathon de Paris. J'ai imaginé tant de choses, rêvé le départ, rêvé la ligne d'arrivée. Vous êtes prêts à revivre cette course avec moi ?

26eme kilomètres avec mes copines Claire & Alisson

26eme kilomètres avec mes copines Claire & Alisson

Dimanche Matin. Je retrouve mes parents sur les Champs Élysées. Il est 9h. Je pleure en les voyant. L'émotion est palpable. Il fait beau. Je veux aller aux toilettes, mais la queue est immense, tant pis. Je rentre dans mon sas de départ qui est prévu à 10h05. Le speaker annonce "Il y a quelques mois, vous avez pris une décision. Celle de courir 42 kilomètres. Defi de folie ou défi de génie? Vous le saurez cet après midi! Parce que cet après midi, vous allez être finisher du Marathon de Paris!". Je pleure. Je suis seule, avec 55 000 autres coureurs venus des quatre coins de la planète. C'est incroyable. (et je pleure encore en écrivant ces lignes, l'émotion est toujours aussi forte). Ça y est le départ est donné ! Paris est à moi !

1ER - 5EME KILOMÈTRE : On descend les champs élysées sur les pavés. J'essaye de pas aller trop vite. Je dois garder de l'énergie. Ma famille & mes amis m'attendent à Bastille, au 5eme kilomètre. Il fait beau, je bois beaucoup. Je vois la colonne de la Bastille au loin. J'arrive au 5eme kilomètre en 30min, rythme parfait! Je retrouve mon frère qui hurle derrière les barrières "Allez Pauline!!" à s'en décrocher les mâchoires. Je prends toute son énergie, et je continue à courir dans les rues de Paris.

5EME - 10EME KILOMETRE : J'ai étudié le parcours des dizaines de fois, a force de le voir, je le connais par coeur. Je sais qu'au septième kilomètre, avenue de Reuilly, une belle côte nous attends. Je l'aborde sereine et elle passe toute seule. Mon prochain objectif est de retrouver Alisson, au 11eme kilomètre, au pied du château de Vincennes. Elle doit courir un bout du parcours avec moi. Il fait toujours aussi chaud (21 degrés!), les pompiers sont là pour nous arroser avec leurs lances à incendies. Je passe le 10eme kilomètres en 1h01.

10EME - 15EME KILOMETRE : Je cours un peu trop vite et je sais que je le paierais plus tard, tant pis, je kiffe. On m'avait dit de kiffer, alors je kiffe! Je récupère Alisson, on est au coeur du bois de Vincennes, on papote, c'est génial, je ne vois pas le temps passer !! J'écoute attentivement mon corps, et dès qu'une "tension" apparait, je bois ou je mange.

15EME - 20 EME KILOMETRE : Mathilde m'appelle depuis Bordeaux, elle me raconte son week end, ça me fait passer le temps et ça me reboost. Une petite côte au 20eme me casse un peu les jambes, mais je reste focus sur ma course : ma famille et mes amis m'attendent de nouveau à Bastille au 22eme kilomètre. Je passe le 21eme kilomètre (le semi !!) en 2h12. Ca pique un peu.

20EME - 25EME KILOMETRE : Je pleure en retrouvant tout ceux qui sont venus me voir en ce dimanche midi : Chloé, Romain, Audrey, mon frère, ma mère, et puis ma Claire! Je les embrasse tous avec un énorme câlin, et on repart. Je suis toujours épaulé par Alisson, et Claire compte bien nous accompagner sur les 7 prochains kilomètres. On papote un peu, je bois, je mange. Je sais que si je ne veux pas voir de "mur" ( Dans le jargon du runner : "Le « mur du marathon » est un phénomène physiologique reconnu, rencontré le plus souvent au marathon, qui correspond à l'épuisement des réserves de glycogène, dit autrement, à une panne de carburant musculaire. Il s'agit d'une défaillance physique assimilable à un coup de pompe qui intervient subitement, sans signe annonciateur."), je sais que si je ne veux pas connaitre ça, je dois boire et m'alimenter très souvent. Mes copines s'occupent de me ravitailler, m'encouragent, on profite du paysage des quais parisiens qui sont magnifiques!! 

25EME KILOMETRE - 30EME KILOMETRE : Ingrid m'appelle, toute sa famille m'encourage à l'autre bout du téléphone. C'est fou. Je me sens encore bien.. et puis le 28eme kilomètre. Va savoir pourquoi, je ne suis plus là. Claire & Alisson continuent de m'encourager, de me ravitailler, me forcent à manger des pâtes de fruits. Je leur dit que c'est dur. Adeline m'appelle a ce moment là, je réponds à son appel, mais je suis complètement dans les vapes. Je n'ai qu'un but : atteindre le 29eme kilomètre, le Trocadéro, où m'attends mon père pour finir cette aventure, tous les deux.  Il est là, enfin ! Je quitte mes copines, elles me font des grands signes en me disant "c'est énorme ce que tu fais!!".
On atteint le 30eme kilomètre, je dit a mon père "L'inconnu pour moi, je n'ai jamais couru au delà de cette distance" -"Allez Pauline, on y va!!"

30EME - 35EME KILOMETRE : Déjà 3h15 que je cours. Les supporters sur le parcours sont nombreux, c'est génial ! Sur le coté, une bande de jeunes avec un panneau où est écrit "Allez, t'a déjà fait pire en soirées !", je rigole ! J'arrive encore a rire !! Et puis, une énorme crampe à l'estomac. Je continue a courir, elle passera. Mon père m'encourage. J'ai envie de vomir. 

39eme kilomètre entourés de ma famille & de mes amis

39eme kilomètre entourés de ma famille & de mes amis

35EME - 40EME KILOMETRE : La côte de Rolland-Garros, je m'en souviendrais toute ma vie, meme si je n'était pas très lucide à ce moment là. Je n'y arrive pas. Mon père met sa main sur mon dos et me pousse. Il avait eu le meme geste pour mon premier semi marathon, au 13eme kilomètre, pendant mon petit coup de mou. Je pleure. J'ai une terrible envie de faire pipi. Ouuuufff des toilettes au ravitaillement du 36eme kilomètre. On entre dans le bois de Boulogne. Mon esprit n'est plus là. Ma tête est vide. Je connais cette sensation, je suis au bord de l'épuisement. Je fais quelques pas en marchant, je me frappe les cuisses, il faut qu'elles courent! Je jure "putain, putain!", mon père me soutient. Je dois courir. Sur le côté de la route, c'est l'enfer, les coureurs tombent comme des mouches, ils vomissent, s'arrêtent, couverture de survie, j'entends les sirènes des pompiers au loin, j'ai peur, je ferme les yeux. Tout le monde m'attends au 38eme kilomètre, à la Fondation Louis Vuitton. Ça me semble tellement long. Je me dis littéralement que je vais crever, je répète ça en boucle a demi voix "je vais crever, je vais crever".. Je bois, mais je n'arrive plus a manger. J'ai envie de vomir. Et puis le 38eme kilomètre!! Ils sont tous là, je pleure, je pleure en les voyant (et encore une fois en écrivant ces lignes!). Je ne comprends pas, mais ma mère et Adrien, mon amoureux, commencent à courir avec nous. Je suis à l'Ouest, c'était pas prévu, je n'arrive  meme pas a réagir! 

40EME - 42 EME KILOMETERE : Adrien me dit : "Audrey va courir avec toi!" Et là, je pleure encore. Je vois ma belle soeur arriver vers moi, elle me prends la main, me dit des choses que j'entends pas. Et puis Claire & Alisson arrivent aussi. Je suis toujours semi-consciente, je réalise pas trop ce qui se passe. Tout le monde court 500 mètres avec moi, c'est incroyable. Et puis je reste seule avec mon père et Adrien. Adrien est en jean avec 21 degrés, il court depuis 3 kilomètres maintenant, il me dit "C'est beau ce que tu fais, Pauline!". J'avance tellement lentement. Il y a beaucoup de monde sur les côtés, j'entends des encouragements. "Plus que 500 metres", "plus que 300 mètres, allez Pauline" (ça c'est mon père). Je cours, j'ai mal dans tout le corps. Je vois le rond-point que j'ai si souvent vu à la télé pour ce marathon de Paris. Putain, je vois l'Arche Verte. Les pavés me tuent les cuisses. Je prends les mains de mon père et d'Adrien pour passer la ligne d'arrivée. Je n'arrive meme pas a pleurer. J'ai couru pendant 4h59, sans jamais m'arrêter. Je m'effondre dans les bras de mon père et ceux d'Adrien. 

C'est complètement dingue. 

42eme kilomètre, entouré par mon papa & mon amoureux

42eme kilomètre, entouré par mon papa & mon amoureux

Défi de folie, ou défi de génie.. les deux, je crois.
Je suis allée au bout de moi-même, au bout de mon corps, au bout de mon mental. L'expérience la plus incroyable et la plus dure à 26 ans. Des heures d'entrainements, des heures d'introspection. La souffrance a durée 4h59, mais le souvenir de cette ligne d'arrivée avec mon papa et mon amoureux, restera éternelle

Un putain d'énorme Merci à Adrien, Claire, Alisson, Audrey, Thibaut, mes parents, sans qui ces 42, 195 kilomètres n'auraient pas la meme saveur. Je vous dédie ma victoire! 

Je suis marathonienne, les gars !!

42eme kilomètre, après 4h59 d'éfforts

42eme kilomètre, après 4h59 d'éfforts